Une journée impressionniste par Anne Carbonnet
C’est au fil de l’eau que la lumière vînt aux Impressionnistes .
par Anne Carbonnet
Lorsque les peintres de la fin du 19ème siècle quittent l’ombre des arbres de Barbizon pour se diriger vers la Normandie, l’éblouissement provoqué par ses rivages, son fleuve et ses rivières, déstructure leur dessin pour faire éclater lumière et couleur .
La Normandie, berceau de ce courant artistique majeur lui offre cette année un hommage magnifique en organisant ce premier festival pluridisciplinaire d’une ampleur inédite en France : Normandie impressionniste. De juin à septembre c’est plus de 250 manifestations regroupant toutes formes d’expressions artistiques qui, du pique-nique à l’exposition majeure, permettent à tous de découvrir le patrimoine exceptionnel et la créativité de la Normandie.
Une délégation de journalistes de l’APE ont eu la chance de vivre une journée au cœur des paysages, rivages lumineux et vallées verdoyantes qui inspirèrent ces artistes, en la compagnie privilégiée de Jacques-Sylvain Klein* Commissaire général du festival et auteur de l’ouvrage : « La Normandie, berceau de l’impressionnisme « .
Pour faire mentir le climat morose de ce printemps, un beau ciel bleu, à la manière de Boudin, nous accueille dans la très esthétique ville de Honfleur dont pratiquement toutes les rues furent immortalisées par les peintres, et qui déploie toutes ses grâces pour faire oublier que ce délicieux port de pêche fût aussi le cinquième port négrier de France .
Au Musée Eugène Boudin, un ancien couvent, Anne-Marie Jeanneret, conservateur en chef nous présente l’exposition « Honfleur entre tradition et modernité » regroupant une partie du fonds permanent du Musée complété par le prêt exceptionnel d’une centaine de tableaux en provenance de France et d’Europe, d’artistes de renommée internationale : une longue liste, de Camille Corot à Claude Monet . Nous découvrons les lieux de leur inspiration et leur vie joyeuse et amicale à la Ferme Saint-Siméon .
Difficile de s’arracher aux charmes de la ville, de ses ruelles, de son étonnante église Sainte-Catherine au clocher séparé de l’édifice, de son port animé et de ses restaurants accueillants !…
Mais à Rouen, dans cette ville que Pissaro trouvait « aussi belle que Venise » un sommet de ce festival nous attend au Musée des Beaux-Arts : l’exposition Une ville pour l’Impressionnisme » dont l’hôte de ces lieux, Laurent Salomé, nous fait les honneurs .
Plus de 130 tableaux de peintres impressionnistes, provenant de collections publiques ou privées, certains montrés pour la première fois en France, sont rassemblés pour témoigner du rôle joué par la capitale normande dans cette révolution picturale, de part son site exceptionnel et sa riche vie industrielle ..
Turner est le déclencheur par ses comptes-rendus de voyages pittoresques dont « Wandering by the Seine ». Il est le premier qui dissout le motif dans la lumière ainsi qu’en témoignent les deux spectaculaires aquarelles prêtées par la Tate Gallery : une vue de Rouen et une autre de la façade de la cathédrale évoquant irrésistiblement la série que Monet peindra 60 ans plus tard.
Corot passe sa jeunesse à Rouen, Monet rend visite à son frère et se livre à ses premières recherches « aquatiques ». Pissaro quitte son milieu rural et vient à Rouen renouveler son inspiration et rencontrer un grand collectionneur : Eugène Murer. Gauguin attiré par les mêmes raisons n’aura pas la même bonne fortune mais laissera de son court passage , une série de toiles essentielles à la compréhension du post-impressionnisme .
A l’impressionnante série des cathédrales peintes par Monet, un des chocs de cette exposition, Pissaro répond avec la série des ponts sur la Seine. Y a-t-il eu rivalité ?…
L’attachement durable des peintres à leur ville sous tous ses aspects, les ponts, les rives, les clochers mais aussi la vie industrielle, ports et cheminées d’usines, sont à l’origine de l’école de Rouen dont les « mousquetaires » Angrand, Fréchon, Delattre et Lemaître ont produit d’authentiques chefs-d’œuvres .
On aimerait s’attarder en si bonne compagnie, retrouver dans les rues et les paysages de Rouen les visions des artistes, mais c’est déjà la fin de notre journée impressionniste, dont nous repartons la tête et le cœur extraordinairement légers .
Merci à Christelle de Bernède pour sa présence efficace et souriante .
Le festival Normandie Impressionniste est né sous l’impulsion de Laurent Fabius et de nombreuses collectivités normandes. Il bénéficie du soutien de grandes entreprises
* A signaler la nouvelle édition du Guide du Routard La Normandie des Impressionnistes 2010 rédigée avec le concours de Jacques-Sylvain Klein Commissaire général du festival .