RAVEL*
Le roman de Jean Echenoz au théâtre, un régal !
On ne sait pas grand chose de la vie de Ravel, ce compositeur éclatant et pourtant Jean Echenoz nous en donne une idée, quoique romancée, un peu plus éclairante. Montée magnifiquement par Anne-Marie Lazarini, cette pièce est une véritable délectation pour les yeux et les oreilles. Une délection pour les yeux parce que la mise en scène et les décors de François Cabanat nous plongent dans une douce ambiance monochrome d’un bleu, quasiment indéfinissable, emplie de sobriété, d’efficacité et d’élégance à l’instar des années 30: dans un coin de la scène, une atmosphère de croisière suggérée par un bateau en minuscule, un bastingage, … ; ici, la statue de la Liberté (Ravel est attendu à New-York); là, une malle et des costumes évocateurs jusqu’aux moindres détails; ailleurs, un piano lui aussi tout de bleu revêtu,… Une délectation pour les oreilles parce qu’il s’agit d’une belle écriture sobre et ciselée, d’un texte aux lignes pures mis en lumière par des comédiens de talent: Michel Ouimet, remarquable dans le rôle de Ravel, Marc Schapira très présent et la jolie narratrice Coco Felgeirolles. Un moment de grâce au théâtre où tout concourt à donner un sens à ce que doit être le théâtre, un mélange des genres – selon moi et surtout, selon la brillante Anne-Marie Lazarini qui le prouve tout au long de son travail depuis 2005 -. La musique, interprétée au piano avec maestria par Andy Emler, grand amateur de Fauré, Debussy et, bien évidemment de Ravel, accompagne le texte par petites touches… Des extraits de la «Sonate pour violon et piano » et du «Concerto pour la main gauche » de Ravel ; quelques notes de «The man I love » de Gershwin,…., et des morceaux composés par Andy Emler lui-même. A souligner un Michel Ouimet qui, donnant toute sa mesure, nous ravit en chantant a capella ces mots extraits de « L’Enfant et les Sortilèges » de Maurice Ravel, sur un livret de la « Grande » Colette: « Tu ne m’as laissé, comme rayon de lune, qu’un cheveu d’or sur mon épaule, un cheveu d’or et les débris d’un rêve »…
Allez à la découverte des dix dernières années de la vie de ce compositeur, dandy tourmenté, opaque, inattendu, en perdition…qui nous fait toujours rêver à l’écoute de ses œuvres magistrales dont «Le Boléro» que lui-même considérait comme « n’ayant pas de forme à proprement parler, pas de développement ni de modulation, juste du rythme et de l’arrangement » sic. et pourtant immortalisé notamment par le célèbre chorégraphe Maurice Béjart. Ce Boléro dont on aurait aimé, au cours de ce spectacle, s’ennivrer de quelques mouvements de plus, de quelques notes de plus… Cependant, ce bémol étant un peu insignifiant, courez voir cette pièce avant qu’il ne soit trop tard ! *
Théâtre Artistic Athevains, 45 rue Richard Lenoir 75011 Paris, tél : 01 43 56 38 32, jusqu’au 5 mai 2013
Lydie-Léa Chaize, journaliste