Dans le pas de Joséphine De Beauharnais
Il était une fois une petite fille qui vivait dans un lieu paradisiaque au milieu des cannes à sucre, des eucalyptus, des pins caraïbes, des caféiers, orangers et citronniers qui embaumaient, bercée par des chants d’oiseaux. Une petite fille qui allait connaître un destin exceptionnel, on lui avait d’ailleurs prédit qu’elle serait « plus que reine ». C’était Marie Josèphe Rose Tascher de La Pagerie qui devint l’Impératrice Joséphine.
Pour le bicentenaire de sa mort, est proposée jusqu’au 30 juin au château de Malmaison indissociable de son nom, une exposition, Joséphine, la passion des fleurs et des oiseaux.
Nous avons la chance de la découvrir sous la conduite de Christophe Pincemaille, chargé d’études documentaires au musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau et commissaire de l’exposition aux côtés de Amaury Lefébure, Conservateur général du Patrimoine, Directeur du musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau.
Passionné par son sujet, il ne se contente pas de nous faire découvrir les oiseaux exotiques et les nombreux dessins de fleurs exposés mais il fait revivre l’Impératrice au travers de maintes anecdotes.
Et on l’imagine, silhouette gracieuse et nonchalante, découvrant de Croissy sur Seine, juste en face, sur l’autre rive de la Seine, où elle s’était réfugiée en 1793 pour fuir la Révolution, ce lieu de Rueil-Malmaison qui semble une réplique des Trois Ilets de son enfance. Coup de cœur, on peut l’imaginer et coup de chance qui suit puisque quelques années plus tard le domaine est à vendre.
Napoléon est absent, comme toujours au combat, elle signe l’achat, il paiera au retour, après une belle colère, une de celles dont il était dit-on coutumier et qui nous vaudra paraît-il l’article du Code Napoléon de 1804 instituant l’incapacité juridique totale des femmes mariées, merci Joséphine ! (article aboli en 1958)
Mais la voici à Malmaison et elle n’aura de cesse de la remodeler pour en faire une réplique de son Amérique natale, une Amérique des délices, travaillant avec le naturaliste Bonpland et l’aquarelliste botaniste Redouté, introduisant plantes et animaux exceptionnels, créant la première grande serre chaude qui devait être, à en croire l’aquarelle exposée, tout à fait spectaculaire.
Et au détour d’une salle, un portrait de l’Impératrice par Auguste Garneray, retrouvé il y a peu et avec beaucoup d’émotion nous dit Christophe Pincemaille, et on veut bien le croire, où l’Impératrice porte une incroyable robe dont le bas est fait, non de plumes comme on pourrait le penser au premier abord, mais de feuilles !
Et puis un impressionnant manteau de cour, aux superbes broderies de platine représentant bien entendu des roses, brillant de mille feux sous un éclairage réduit ce qui laisse imaginer ce que cela devait être sous une lumière plus intense !
Mais l’endroit de prédilection de Joséphine était sans conteste La Petite Malmaison, à laquelle s’adossait la fameuse Grande Serre, où elle aimait se rendre et recevoir, notamment après son divorce, car l’ombre du grand homme y planait sans doute un peu moins qu’au château.
Et nous voici cheminant le long de la Rivière Anglaise, avec un peu d’imagination on entend les cris joyeux de tout ce petit monde descendant des barques et pénétrant dans le pavillon au bout duquel les attendait l’exubérante vision des plantes exotiques. Un enchantement, sans nul doute.
Là Joséphine était vraiment chez elle, au milieu de cette nature luxuriante, s’occupant de ses petits-enfants, dont l’un sera le futur Napoléon III. « Ma grand-mère m’autorisait à sucer les cannes à sucre, racontait-il volontiers. Elle était beaucoup moins sévère que ma mère ».
À la Petite Malmaison, nous sommes cette fois accueillis par le comte Stefan Czarnecki, actuel propriétaire dont le père acheta la propriété, peut-être puisqu’elle lui en rappelait une autre qu’il avait dû abandonner, dans sa Pologne natale. Curieux rappels de l’Histoire…
On admire au passage les splendides et uniques parquets de Jacob, le raffinement de la décoration intérieure, les colonnes de marbre dressées par Gilet, on respire les odeurs des pélargoniums, toutes différentes selon les espèces, odeurs de citron, de menthe, de thym ou même de pomme verte.
Joséphine disparut brutalement en mai 1814, des suites d’une angine infectieuse, il se murmura même qu’elle fut empoisonnée. À 51 ans. Au même âge que l’Empereur.
Elle nous laisse ce souvenir impérissable, ce lieu magnifique auquel son nom reste attaché à tout jamais.
Et peut-être un jour reverra-t-on la Grande Serre qu’elle aimait tant et qui fut détruite car, construite en bois, elle était fort abîmée.
C’est un des rêves du comte, et dans un endroit aussi magique, aussi hors du temps, les rêves ne peuvent que se réaliser.
Nicole Bourbon