CULTURE

Théâtre : la Rimb

« LA RIMB » est le nom affectueux que donnait Arthur Rimbaud à sa mère Vitalie. L’auteur Xavier Grall, au talent trop méconnu, a été journaliste, poète et écrivain, très ancré dans son identité bretonne. Animé par une foi profonde voire mystique, attiré par toutes les formes de rebellion, il a consacré une partie de son oeuvre à Georges Bernanos, François Mauriac, James Dean, Arthur Rimbaud,…

A travers ce texte La RIMB, on retrouve par la voix de Vitalie Rimbaud, les accents de la ferveur de Grall que témoignent certains de ses poèmes : « Seigneur, me voici c’est moi…Seigneur ayez pitié !». Que de concordances entre la vie du « poète maudit » parti jeune et, la vie trop courte de Grall qui meurt à 51 ans.

Au départ radiophonique, cette pièce de théâtre nous présente une femme seule, parce que veuve, responsable dans sa noble et difficile tâche de proprétaire d’une terre ardennaise qui lui est chère ; une femme de devoir, une femme passionnée : « Je suis la souche, la race de la terre ! » ; une mère de famille, volontaire, exigeante, intransigeante, excessive…

Devant nous, dans un décor simple, une suspension lumineuse monte et descend au rythme de certains accents, une lumière subtile effleure le plateau, un parquet qui craque par l’usure du temps, les pieds dans une cuvette à moitié remplie d’eau, provoquant un léger clapotis, une femme, à la silhouette enfumée, au corps vieillissant évoque, parfois comme une mélopée, la mort de son fils qu’elle n’a jamais acceptée. Se parlant, à elle seule, on entend sa révolte, ses espoirs, son désespoir. Son fils est mort, sa mémoire doit être respectable ! Son fils n’est pas le poète maudit « idôlatré » par le parisianisme des gens de lettres ; d’ailleurs, dit-elle, dans un élan de colère « Ce que l’on a écrit est à soi, une œuvre d’Art n’a jamais changé le monde ! ». Drôle de femme ! Son fils n’est pas non plus l’adolescent « vagabond » qu’il a été, un temps. Excessive, elle assène : « J’ai tous les droits, je suis sa mère ! »

Elle est fière de son fils, il a été un grand voyageur ! « Le Roi Arthur, voilà la vérité de mon fils ! Et, elle se plait à penser qu’Arthur a retrouvé les valeurs de la famille et de la foi bien avant sa mort. « Il me revenait, il revient à Dieu » … D’aucuns diront, triste consolation ! De toute évidence, cette impression de résignation peut être mise sur le compte de la foi, seule capable de supporter une telle épreuve ? De tous temps, ce lien mère-fils a été problématique mais là, ce délire verbal d’une mère nous révèle un amour, une révolte, une douleur insoutenable ô combien légitime : « Arthur, mort avant moi ! ».

Dans ce spectacle, tout fait lien avec le texte : la mise en scène empreinte de mystère de Jean-Noël Dahan, la scénographie toute en nuance de Julien Peissel, les sons évocateurs et inquiétants de Jean-Marc Istria. Tout participe à la mise en valeur de ce texte, magnifiquement riche et émouvant, fait d’une belle écriture dont l’âme est servie par une, non moins belle comédienne, Martine Vandeville. Tourmentée, brisée, tournant fébrilement autour de sa chaise, évoluant difficilement avec sa canne, elle voudrait ne faire qu’un avec son fils bien-aimé ; sa souffrance morale et physique s’identifiant à celle, jadis, de son fils, meurtri et amputé d’une jambe. Elle porte sur ses épaules toute la misère et la douleur du monde…Tour à tour, elle ressasse, explose, chuchote, culpabilise, revendique Elle nous plonge dans des émotions subtiles au plus profond de notre être et nous entraîne, avec talent, dans un tourbillon de pensées hautement philosophiques, dont une de Xavier Grall, dans son œuvre « L’Inconnu me dévore » :

« Pas de série pour le nombre UN, la nécessité unique : « mourir ». C’est la vie qui est étrange et fabuleuse, le trépas est un événement qui ne devrait point nous surprendre »…

 

Un magnifique moment de théâtre, à ne pas rater !

 

* Le Lucernaire 53, rue Notre-Dame- des-Champs 75006 Paris Jusqu’au 21 avril 2012, à 19 heures

 

mars 2012, Lydie Léa Chaize 

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